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L'IA tuera internet, et c'est une bonne nouvelle

L'explosion de la bulle autour de l'IA est une incroyable nouvelle.

Une bulle de savon sur un fond noir.
Photo by Mads Eneqvist / Unsplash

Tout le monde parle de la bulle autour de l'IA. Certains affirment même qu'elle fera plus mal que la crise des subprimes. Ce qui est sûr, c'est que son explosion mettra à terre une bonne partie d'internet, et c'est une bonne nouvelle.

La chute des GAFAM

Toutes les GAFAM investissent abondamment dans l'IA, que ça soit Google avec Gemini, Microsoft avec Copilot, Amazon avec son cloud orienté IA, Meta avec ses algorithmes de recommendation ou Apple avec ses IA génératives de création. Toutes ces entreprises ont énormément gagnées en bourse avec l'IA et mettent abusivement en avant leurs nouvelles technologies. Quand la bulle éclatera, elles vont perdre une grande partie de leur capitalisation boursière, de la confiance des investisseurs et des utilisateurs suite à l'enshittification de leurs services suite à l'IA.

Tout cela affaiblira un modèle économique déjà décrié (pour son capitalisme de surveillance, son utilisation massive de la publicité et son absence de transparence ayant mené au DSA) menant alors à une chute des GAFAM de leur place dominante, voir à un effondrement complet de cette vision du monde. Bien sûr, c'est un drame social pour les millions d'employés directement ou indirectement par ces entreprises (même si on peut questionner la moralité de travailler pour ces entreprises). Mais si on regarde au-delà de ce drame et si on s'intéresse aux conséquences systémiques, je trouve qu'il s'agit d'une très bonne nouvelle si ce modèle disparaît.

Immoralité manifeste des GAFAM

Les GAFAM représentent le pire du capitalisme néolibéral. L'utilisateur est réduit à une source de dépenses en faveur de l'entreprise proposant le service. Cela est particulièrement visible dans l'utilisation des données personnelles : les GAFAM vendent des emplacements publicitaires achetés par une autre société. L'utilisateur est évidemment impliqué dans la transaction : sans utilisateur et son temps d'attention, les GAFAM ne pourraient pas vendre d'emplacements publicitaires. Sans utilisateur, il ne pourrait pas vendre de produit, car l'utilisateur est, en réalité, le produit vendu. Ce modèle économique est donc immoral puisqu'il ne considère plus l'utilisateur — un individu, rappelons-le — comme un sujet, mais bien comme un objet.

De plus, ces entreprises soutiennent de nombreuses actions politiques immorales :

L'autre grand problème de ce modèle est son omniprésence. Il est impossible d'utiliser internet sans passer par une GAFAM, que ça soit à cause de l'hébergement chez les hyperscalers ou des services indispensables qu'elles gèrent. Si une GAFAM chute, internet s'effondrerait à cause de leur centralité.

Construire l'internet post-GAFAM

Ne soyons pas dupe, l'effondrement des GAFAM ne tuera pas forcément leur modèle économique. Par contre, cela nous donne une fenêtre de tir pour le changer durablement.

En Europe, nous avons déjà un ensemble de très bons textes législatifs encadrant les dérives des GAFAM :

Ces textes limitent les abus des grands groupes, mais le mieux reste de n'avoir aucun grand groupe : appliquer ces textes est extrêmement complexe à cause de leur capacité à contourner les législations et de la lenteur de notre système judiciaire (attendre plus de deux ans l'applications d'une sanction est bien trop lent dans le monde numérique). De plus, le couple DSA/DMA vise à régler un déséquilibre qu'il serait mieux de ne jamais avoir. Il devient donc essentiel de construire un internet post-GAFAM résiliant face à ces enjeux.

Rappelons aussi la grande oubliée du numérique : l'écologie. Le défi du siècle ne peut se faire sans décroissance impliquant alors de devoir réparer, recycler et préserver nos appareils électriques. Or, avec un besoin toujours croissant de performance, il est impossible d'utiliser un ordinateur de plus de 15 ans : les nouvelles technologies ne sont pas pensées pour fonctionner sur les équipements les plus vieux. Il devient alors vital de repenser toute notre approche du numérique.

Propositions pour un nouvel internet

L'approche du Small Web est pertinente. Elle cherche à construire une multitude de sites personnels fonctionnant sur toutes les machines, y compris les plus anciennes. Cela a pour principal intérêt de proposer une vision personnelle opposée à l'uniformisation impersonnelle des réseaux sociaux.

Un autre avantage de cette approche est sa décentralisation. En multipliant les sites, les hébergeurs, les technologies, on limite la probabilité de voir une puissance contrôlant une bonne partie du web (entendre GAFAM) apparaître.

Le Small Web ne peut être l'unique solution : il est impossible de remplacer un forum par un site de ce type. Il devient aussi nécessaire de construire de nouvelles plateformes responsables, éthiques et décentralisées pour combler ces manques. Malheureusement, les propositions actuelles ne sont pas suffisantes : le Fediverse et Matrix sont bien trop complexe à utiliser, Bluesky et l'AT Protocol sont incomplets (et l'entreprise derrière est loin d'être parfaite). Uniquement Signal comme remplacement de WhatsApp est viable pour la majorité. De plus, ne reposer que sur une seule entité, c'est prendre le risque de la rendre hégémonique et donc de commettre les mêmes erreurs qu'avec les GAFAM. Nous avons cruellement besoins de nouvelles propositions décentralisées.

Il en revient alors à nous, développeurs engagés, de construire ces nouvelles propositions pour améliorer les choses. Évitons juste de tomber dans le solutionisme : il est inutile de créer un autre protocole de décentralisation comme il existe déjà ActivityPub et AT Protocol. Essayons d'abord de concentrer nos efforts ce qui existe déjà avant de construire quelque chose de nouveau.